Et si on mettait les petits plats de la micronutrition dans le grand chaudron des recettes de la performance ? C’est le parti-pris du pôle d’entraînement qui a fait appel au micronutritionniste Thomas Crublé. Ce kinésithérapeute-ostéopathe a récemment dispensé une formation théorique sur la manière de bien s’alimenter dans un objectif de compétition. Une première mise en bouche, qui éclaire sur les fondamentaux d’une approche ne laissant rien au hasard pour briller sur l’eau.
Que l’alimentation, par épicurisme ou par ascétisme, participe à une bonne définition de soi-même, c’est une évidence. Si la société s’est transformée depuis l’ouvrage fondateur paru début du 19è siècle - Dis moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es* - une certitude l’emporte : bien manger donne les moyens de s’accomplir. Notamment sur le plan sportif, où la nutrition joue un rôle fondamental. Dans la voile de compétition, entre trois bouées ou au grand large, les repas à terre comme la cambuse du bord jouent un rôle de tout premier plan.
La saveur d’un expérience sur l’America’s Cup
« Depuis trois ans, je me forme à la micronutrition qui s’intéresse à la santé par l’assiette. Et dans la même logique, à la performance par l’assiette, puisqu’en définissant mieux le contenu de ses repas, en proposant une complémentation si nécessaire, on peut s’inscrire dans un objectif d’optimisation cognitive et physique », explique Thomas Crublé.
Après une première collaboration avec le team PRB-Holcim qui préparait Ocean Race, ce spécialiste du bien-être de 35 ans, praticien à la Clinique du Ter depuis 2022, a rejoint l’année dernière le Défi Orient Express engagé dans l’America’s Cup. Son rôle ? « Dans le cadre de cette campagne, je suis intervenu en amont. Avec le préparateur physique, on a réussi à intégrer la nutrition dans les paramètres de la performance, tant pour les cyclistes du bord, que pour des marins qui avaient des enjeux sur la sphère plus cognitive ».
Caféine, glucose, fructose, protéine
De la caféine, juste avant de partir en régate ou en entraînement ; des boissons d’effort enrichies en glucose, en fructose ; ou encore des boissons protéinées pour reconstruire la base d’acides aminés perdue pendant la compétition, sont quelques-unes des propositions apportées quotidiennement au menu des sportifs du défi français.
« Je travaillais avec une marque de compléments alimentaires, partenaire de l’équipe. Ce type d’aliments a l’immense avantage de permettre d’ajouter des vitamines, minéraux et oligo-éléments, qui nécessiteraient de trop grandes quantités si on les ajoutait uniquement par l’assiette », explique Thomas. Bilan des courses au terme d’une mission de six mois à Barcelone, où il a travaillé en étroite collaboration avec le cuisinier du team : « zéro blessure, personne malade ».
De quoi nourrir de bons enseignements sur l’intégration de la nutrition dans la préparation au long cours des marins qui cherchent à combiner puissance et endurance, tant sur le plan physique qu’au niveau de la concentration. Des discussions avec l’entraîneur Tanguy Leglatin et des échanges constructifs avec Rémi Orain, qui coordonne l’offre de formation au pôle, ont fait le reste pour intégrer ce module autour de l’alimentation dans le catalogue proposé à la carte aux adhérents du pôle.
Hydratation et snacks en stock
Une petite dizaine d'entre eux, des Ministes et Figaristes, a donc goûté avec intérêt à cette première formation, avec des rappels anatomiques et physiologiques sur le fonctionnement du système digestif. « Il n’y a pas beaucoup de sport où on passe 5-6-7 heures, voire beaucoup plus, dans l’effort », souligne Thomas qui a insisté sur les enjeux d’une bonne hydratation. Il a également rappelé combien l’entraînement constitue un laboratoire pour développer sa stratégie individuelle dans ce domaine.
De bons conseils auxquels Noémie Catalano, attendue sur le départ de la Mini-Transat dans moins de 100 jours, est restée très attentive. « Il m’est souvent arrivé d’avoir super faim aux entraînements et de ressentir manquer d’énergie », confie la jeune navigatrice. « Les données chiffrées qui révèlent que la déshydratation génère une baisse de 10% de sa capacité à bien mener son bateau, cela fait réfléchir », convient-elle.
Et elle n’oubliera pas non plus d’embarquer des snacks. Des barres céréales, des compotes à boire… et tous ces aliments faciles à avaler, appréciés autant pour leurs qualités gustatives et que nutritives. Ou pourquoi pas des oléagineux comme les fruits à coques, réputés pour le carburant lipidique qu’ils fournissent, si jamais il faut lutter contre le froid. De quoi inspirer Noémie qui pourra compter sur ces snacks en stock : « notamment pour le golfe de Gascogne, si jamais les conditions sont trop musclées et nous empêchent d’utiliser le Jetboil et de faire bouillir de l’eau pour se préparer un plat lyophilisé ». Une bonne manière de garantir de pouvoir se mettre quelque chose sous la dent, même dans le très mauvais temps…
* Physiologie du goût - Dis moi ce que tu manges, et je te dirais ce que tu es, de Jean Anthelme Brillat-Savarin, théoricien de la gastronomie. ouvrage paru en 1825, source d’inspiration pour Balzac et Barthes.